L’action de groupe ou la class action française

L’action de groupe, ou class action française, est la mesure phare du projet de loi sur la consommation, adopté le jeudi 2 mai 2013 en conseil des ministres.
La commission des lois de l’assemblée nationale procède actuellement aux auditions d’une pléthore de professionnels avant le début des débats à l’assemblée.
La France a longtemps essayé de transcrire dans le droit français la fameuse class action américaine. C’est donc une véritable avancée pour le consommateur qu’une action de groupe française puisse voir le jour. Toutefois, le projet de loi possède de nombreuses faiblesses qui, espérons le, seront corrigées par l’assemblée nationale.
Mais qu’est-ce qu’une action de groupe ? A qui s’adresse-t-elle ? Comment s’organise-t-elle ?
1) Une mesure protectionniste envers les consommateurs :
Ce projet de loi vise tout conflit lié au droit de la consommation et dans une certaine mesure ceux relatifs au non respect de la concurrence.
L’action de groupe ne concernera que les contrats de consommation sur les biens et services. La santé et l’environnement en sont exclus pour l’instant.
Cette procédure vise à offrir une meilleure protection du consommateur, en autorisant plusieurs victimes d’un même dommage de se regrouper afin de demander collectivement leur réparation.
Cette action de groupe a également une vertu dissuasive dans une société de consommation de masse. Elle a ainsi pour but de faire comprendre aux grands groupes industriels ou opérateurs télécom que le regroupement des consommateurs sur certaines actions peut avoir des conséquences non négligeables.
Jusqu’à présent les aléas et le coût des procédures judiciaires dissuadaient la plus grande partie des consommateurs floués de pouvoir agir individuellement.
L’action de groupe doit permettre un regroupement des moyens et une possibilité plus grande pour les consommateurs d’agir en justice et obtenir une indemnisation.
L’action de groupe doit également permettre un développement jurisprudentiel cohérent en limitant le nombre de juridictions saisies.
2) La procédure de l’action de groupe :
L’action de groupe pourra être déclenchée à tout moment, sauf lorsqu’une procédure d’entrave à la concurrence sera en cours de jugement. Dans ce cas là cette dernière devra ainsi attendre la décision définitive de l’Autorité de la concurrence.
Puis une fois l’action de groupe introduite par l’une des seize associations susvisées, le juge rendra sa décision en deux temps.
Il va tout d’abord définir le groupe de consommateurs concernés puis il décidera si la demande est légitime et fixera le montant du préjudice.
Une fois la décision du juge rendue, elle s’imposera à l’entreprise, qui devra alors prévenir l’ensemble des consommateurs concernés par le litige.
L’article L. 423-3 alinéa 5 du Code de la consommation prévoit une adhésion du consommateur au groupe pour obtenir l’indemnisation de son préjudice (principe de opt in).
L’article. L. 423-5 prévoit dans le cadre d’une procédure simplifiée que, « lorsque le montant des préjudices individuels subis par chaque consommateur est identique et que le nombre de ces consommateurs est connu », il n’est nul besoin d’adhérer au groupe pour obtenir réparation de son préjudice.
En effet, le juge pourra décider de charger l’association de percevoir la totalité des sommes dues pour attribuer à chaque consommateur qui en fera la demande la réparation lui revenant, et, à défaut de demandes de consommateurs, de reverser le solde au professionnel. Il peut aussi décider que le professionnel indemnisera « directement et individuellement » chaque consommateur « identifiable ».
L’indemnisation des victimes paraît toutefois plus floue et compliquée lorsqu’on sort de la procédure simplifiée et la vérification des montants d’indemnisation risque d’être longue et compliquée.
3) les faiblesses de l’action de groupe française :
Contrairement à la class action américaine, en France l’action de groupe ne pourra être menée que parmi les seize associations de consommateurs agréées.
Ceci risque d’ores et déjà de poser un difficulté au regard du principe de la liberté d’adhésion à un groupement pour pouvoir obtenir une indemnisation.
Le ministère craint une dérive comme aux Etats Unis où les avocats récupèrent une part gigantesque de la somme versée aux consommateurs.
Il a voulu « ce filtre des associations pour éviter les effets pervers à l’américaine ». Les associations porteront donc la procédure devant la justice pour obtenir réparation en leur nom.
En voulant écarter les avocats de l’action de groupe, le ministère écarte en réalité les consommateurs qui, dans certains cas, ne pourront voir le préjudice reconnu qu’en adhérent à une des seize associations agréées.
Quid si un consommateur estime être victime d’un préjudice de masse mais qu’aucune association ne désire agir? il pourra agir à titre individuel mais la class action et sa force lui seront interdites.
En outre, l’idée d’écarter les avocats est farfelue puisque les associations agréées pour mener leur actions passeront inévitablement par de gros cabinets d’avocats parisiens dont les factures sont sans commune mesure avec les autres avocats.
Enfin, l’action de groupe en France, celle-ci reste tout de même timide, notamment en ce qui concerne les affaires concernant la santé (Mediator) et l’environnement
Le projet de class action à la française possède le mérite majeur d’exister. Mais il est grevé de telles faiblesses que sa mise en pratique, en l’état actuel du texte, paraît plus qu’incertaine.
Il sera intéressant de voir les modifications que les parlementaires pourront apporter.