Pendant la période de confinement, puis-je arrêter de payer le loyer pour mes locaux professionnels ?
A la date de rédaction de cet article, soit le 1er avril 2020, les échéances de loyer tombent pour tous les locaux d’entreprises, qu’il s’agisse de bureaux sous bail professionnel ou de locaux sous bail commercial. Or l’activité économique étant actuellement à l’arrêt ou fortement diminuée, la plupart des entreprises cherchent à limiter au maximum leurs charges fixes. Au début du confinement, le Président de la République et le Gouvernement ont annoncé des mesures relatives à la suspension des loyers. Quel est précisément le dispositif mis en place ? Qui peut en bénéficier ? Que faire ?
Le dispositif
Le dispositif résulte de l’ordonnance n°2020-316 du 26 mars 2020, et plus précisément de son article 4 qui prévoit :
« Les personnes mentionnées à l’article 1er ne peuvent encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages-intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d’activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L. 622-14 et L. 641-12 du code de commerce.
Les dispositions ci-dessus s’appliquent aux loyers et charges locatives dont l’échéance de paiement intervient entre le 12 mars 2020 et l’expiration d’un délai de deux mois après la date de cessation de l’état d’urgence sanitaire déclaré par l’article 4 de la loi du 23 mars 2020 précitée. »
Annulation des échéances ou simple report ?
Le texte ne parle ni d’annulation ni de report mais fait implicitement référence à un simple report de loyers. En effet, il est prévu que le bailleur ne peut appliquer aucune pénalité ni engager aucune poursuite judiciaire pendant la période de confinement, ce qui revient concrètement à priver le bailleur de tout recours en cas de retard de paiement.
Vous ne bénéficiez donc que d’un délai de paiement supplémentaire, avec l’obligation de payer l’intégralité des montants qui auront été reportés lorsque l’état d’urgence sera levé. Il est recommandé de bien réfléchir à la stratégie financière de l’entreprise en gardant à l’esprit que les loyers et charges resteront dus et qu’il faudra pouvoir les régler une fois la crise passée.
Quelles sont les entreprises concernées ?
Attention, toutes les entreprises ne peuvent pas bénéficier de ce dispositif. Seules les très petites entreprises et les travailleurs indépendants sont concernés, mais à condition qu’ils emploient 10 salariés au maximum et que leur chiffre d’affaires s’élèvent à moins d’1 million d’euros. Peuvent également en bénéficier les entreprises de certains secteurs particulièrement impactés par la crise (tourisme, activités culturelles et sportives, évènementiel…) ou qui subissent une perte de chiffre d’affaires de plus de 70 % en mars 2020 par rapport à mars 2019.
Le dispositif ne s’applique pas aux entreprises ayant réalisé un bénéfice annuel imposable supérieur à 60.000 €, ni aux entreprises créées après le 1er mars 2019 si leur CA mensuel moyen a dépassé 83.333 euros.
Pour quels postes et pour quelle période ?
Ne sont visés que les loyers et charges locatives dont l’échéance est postérieure au 12 mars 2020. La mesure sera applicable pendant tout l’état d’urgence sanitaire augmenté d’un délai de 2 mois après la date de cessation de cet état d’urgence. La suspension ne concerne donc pas :
- Les arriérés impayées, dont l’échéance du mois de mars si le bail prévoit que le loyer doit être payé d’avance,
- Le dépôt de garantie car celui-ci n’est ni un loyer, ni une charge locative.
Comment bénéficier du dispositif ?
Si vous êtes locataire, il suffit d’écrire un courrier à votre bailleur en lui indiquant que vous remplissez les conditions pour bénéficier du dispositif et qu’en conséquence, vous suspendez le règlement de vos loyers et charges pendant la durée de l’état d’urgence.
Si vous êtes bailleur, vous n’avez pas l’obligation de suspendre automatiquement les appels de loyers. Vous pouvez parfaitement attendre que votre locataire vous en fasse la demande.
Je suis locataire et je ne bénéficie pas du dispositif, comment faire ?
Même si vous ne remplissez pas les conditions pour bénéficier du dispositif légal, vous pouvez toujours tenter de négocier des délais de paiement avec votre bailleur, voire même des abandons de créance si votre bailleur est particulièrement bienveillant. Par précaution, il est conseillé de conserver une trace écrite de l’accord du bailleur (mail, courrier) afin d’éviter tout risque que le bailleur tente de se prévaloir ultérieurement d’un manquement de votre part. En effet, à défaut d’accord du bailleur, celui-ci pourra engager une action en résiliation du bail après vous avoir fait signifier un commandement de payer, ou tenter de vous refuser le renouvellement du bail au moment de son échéance et sans indemnité d’éviction, si vous êtes en bail commercial.
En conclusion, on est loin d’une mesure automatique de suspension des loyers. Côté locataire, il est très important d’être bien conseillé pour ne pas risquer de perdre son bail à l’occasion de cette période difficile pour toutes les entreprises. Côté bailleur, vous pouvez vous faire assister pour rappeler à votre locataire les conditions du dispositif et son obligation de régler son loyer et ses charges.
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