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Le quitus donné au dirigeant d’une entreprise empêche-t-il sa révocation ?

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Le quitus donné au dirigeant d’une entreprise empêche-t-il sa révocation ?

 

  • Qu’est-ce que le quitus de gestion ?

A chaque clôture de l’exercice social, la collectivité des associés doit se réunir en assemblée générale pour statuer sur les comptes de l’exercice écoulé.

 

Lors de cette assemblée, les associés doivent notamment se prononcer sur la façon dont le dirigeant a assuré la gestion de la société pendant l’exercice écoulé ; les associés doivent approuver ou non cette gestion : c’est le quitus de gestion.

 

 

  • Quel est le périmètre de ce quitus de gestion ?

A l’approche de la période d’approbation des comptes des exercices clos au 31 décembre 2019, se pose notamment la question du périmètre couvert par le quitus de gestion accordé par les associés à un dirigeant lors de l’assemblée générale d’approbation des comptes de la société.

 

Il faut donc déterminer ce que recouvre ce quitus de gestion.

 

Le quitus de gestion peut être considéré comme un gage d’adhésion des associés à la politique de gestion sociale menée par le dirigeant.

 

Il est donné pour la période courant du 1er jour de l’exercice social jusqu’au dernier jour (ex : du 1er janvier 2019 au 31 décembre 2019).

 

 

 

  • Avoir reçu quitus pour sa gestion empêche-t-il d’être révoqué de ses fonctions ?

 

Pour répondre à cette question, il faut déterminer le motif de la révocation et la période de survenance du motif.

 

1/ une révocation pour faute de gestion

 

Lorsqu’une société invoque une faute de gestion comme juste motif de révocation d’un dirigeant, les tribunaux rechercheront si les associés ont auparavant donné au dirigeant quitus de sa gestion lors des assemblées générales d’approbation des comptes et concluent le plus souvent à une absence de juste motif dès lors que le quitus a été donné. (Cass. com. 1-2-1994 n° 92-11.171; CA Paris 26-11-1999 n° 97-12109, 5e ch. ; Cass. com. 8-7-2014 n° 13-14.307).

 

Le quitus ne met le dirigeant à l’abri que pour les actes de gestion dont l’assemblée générale a eu connaissance et qu’elle a été à même de constater (3ème chambre civile 23 juin 1999 n°97-17085.)

En effet, seuls les actes de gestion pouvant être déduits des comptes sociaux et des rapports de gestion soumis à l’approbation des associés, sont couverts par le quitus délivré au dirigeant dans le cadre de la gestion sociale.

 

Toute faute de gestion du dirigeant et ses conséquences financières de nature à justifier de la révocation du dirigeant doit apparaitre dans les comptes sociaux et dans le rapport de gestion soumis à l’approbation de l’assemblée afin d’être considérée comme ayant été portée à la connaissance des associés préalablement au quitus accordé au dirigeant.

 

Ainsi, le quitus donné au dirigeant ne le couvre que pour les fautes de gestion sociales ayant des conséquences financières reflétées dans les comptes de la société.

 

Est donc justifiée la révocation du dirigeant qui a commis des fautes de gestion personnelles ayant porté atteinte à l’intérêt social, outre le quitus donné au dirigeant pour sa gestion (Cass. com. 5-7-2017 n° 15-22.936 F-D, M. c/ Sté Groupe Maisonneuve).

 

 

2/ une révocation pour des faits de harcèlement moral

 

La question s’est posée de savoir si un dirigeant peut se prévaloir du quitus de gestion accordé par les associés afin de contester sa révocation pour juste motif (hors faute de gestion) de ses fonctions de dirigeant.

 

La chambre commerciale de la Cour de Cassation s’est prononcée le 15 janvier 2020 (arrêt n°18-12.009) et a mis défini le périmètre du quitus accordé aux dirigeants lors de l’approbation des comptes annuels de la société, au regard de la validité de la révocation pour juste motif d’un dirigeant.

 

Dans ce cas soumis aux juges, les associés ont invoqué des faits de harcèlement moral et des manquements à la législation sociale, pour justifier leur décision de révocation des fonctions du dirigeant de la société.

 

Le dirigeant a alors contesté les motifs de sa révocation, en avançant le fait que les associés lui avaient donné quitus de sa gestion et qu’il ne pouvait donc pas le révoquer.

 

Mais la Chambre commerciale de la Cour de cassation a considéré que les faits de harcèlement moral et de manquements à la législation sociale invoqués à l’appui de la décision de révocation du dirigeant ne pouvaient être déduits des comptes sociaux et du rapport de gestion soumis à l’approbation des associés.

 

Le quitus donné au dirigeant au titre de sa gestion n’était donc pas libératoire de responsabilité pour ce dernier. Le dirigeant ne pouvait donc pas contester sa révocation simplement en invoquant le quitus donné par les associés.

 

 

 

 

 

 

3/ une révocation pour des fautes de gestion commises sur une période postérieure à la clôture des comptes annuels

 

Lorsque l’assemblée générale ordinaire donne quitus au dirigeant, c’est pour ses actes de gestion portant sur la période de l’exercice clos, par exemple pour la période du 31 janvier 2019 au 31 décembre 2019.

 

Mais ce quitus est donné dans le courant du premier semestre 2020, lorsque les associés se réunissent en assemblée générale (AG) annuelle.

 

Ce qui signifie que dans les mois qui précèdent la décision de l’AG (entre le 1er janvier 2020 et le jour de l’AG), des actes de gestion ont été réalisés par le dirigeant.

 

Pourtant, lorsque l’AGOA se réunit, par exemple en mai 2020, elle ne va pas statuer sur la gestion des premiers mois de l’année 2020.

 

En conséquence, la collectivité des associés peut tout à fait se réunir en assemblée générale extraordinaire (AGE) pour révoquer le dirigeant pour des fautes de gestion qui ont été portées à sa connaissance et portant sur la période postérieure à la clôture de l’exercice.

 

 

  • Le quitus, c’est vraiment sérieux !

Il arrive parfois que lorsque les associés se réunissent en assemblée générale ordinaire d’approbation des comptes, ils ne prennent pas toute la mesure du quitus de gestion qu’il doivent donner au dirigeant.

 

Pourtant, c’est bien à cette occasion que les associés doivent soulever les points de difficultés dans la gestion de l’exercice écoulé. Cela peut faire l’objet d’un débat précédent le vote de la résolution sur le quitus de gestion.

 

En tout état de cause, rappelons que le quitus donné au dirigeant ne fait pas obstacle à une action ultérieure en responsabilité exercée à son encontre, aucune décision de l’assemblée générale ne pouvant avoir effet d’éteindre une action en responsabilité contre le dirigeant au regard des fautes commises dans l’accomplissement de son mandat.

 

 

En pleine période d’approbation des comptes annuels, n’hésitez pas à contacter votre avocat pour faire le point sur l’exercice écoulé et sur les obligations de l’assemblée générale d’approbation des comptes.

 

 

 

Emeline BASTIANELLI

Maître Emeline Bastianelli, avocate associée, accompagne les entreprises en droit des sociétés et le chef d'entreprise dans la gestion matrimoniale

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